Le shutdown, dernier levier des démocrates face aux dérives autoritaires de Donald Trump

Républicains et démocrates au Congrès ne sont pas arrivés à résoudre leur bras
de fer budgétaire, les démocrates refusant de voter le texte sans un allègement
des coupes drastiques dans la santé voulues par les républicains. Le budget en
cours a donc expiré. Sans budget, le gouvernement fédéral n’a plus d’argent à
dépenser.

Conséquence: musées et parcs ferment, les services publics tournent au ralenti,
des centaines de milliers de fonctionnaires sont au chômage technique et des
licenciements massifs sont “imminents” (voir encadré).

>> Lire aussi : Les Etats-Unis sont entrés en situation de paralysie budgétaire
après un ultime échec au Sénat

“Ce shutdown est différent, parce que les démocrates perçoivent une menace
existentielle face à la stratégie des républicains trumpistes du Congrès”,
explique Ben Lamb, professeur associé d’administration publique à l’université
Cornell, dans l’émission Tout un monde.

DÉMANTÈLEMENT DES INSTITUTIONS

En mars dernier, les Etats-Unis avaient déjà risqué une paralysie budgétaire.
Chuck Schumer, chef des démocrates au Sénat, avait alors demandé à ses troupes
de voter le budget pour éviter l’affrontement et la paralysie de
l’administration.

>> Lire aussi : Les Etats-Unis évitent la paralysie budgétaire après le recul
des démocrates au Sénat

A l’époque, Donald Trump était à la Maison Blanche depuis moins de deux mois.
Chuck Schumer soulignait la nécessité d’apparaître comme le parti de la
responsabilité et craignait aussi qu’un shutdown ne donne les pleins pouvoirs à
Elon Musk, en croisade contre les fonctionnaires. Le chef des démocrates au
Sénat comptait alors sur la justice pour bloquer les excès du président.

La situation a toutefois bien changé et le climat politique s’est beaucoup
détérioré depuis. Les licenciements massifs ont eu lieu, les juges se sont
montrés cléments et la majorité républicaine du Congrès laisse la Maison Blanche
contourner le Parlement sans broncher. Depuis des mois, la minorité démocrate se
retrouve donc impuissante face au démantèlement des institutions.

SEUL LEVIER DES DÉMOCRATES

Mardi, le Parti démocrate, toujours sonné depuis la dernière présidentielle,
qualifié de mou et désorganisé, a donc, cette fois-ci, décidé de ne pas céder.
“C’est comme cette image de la grenouille dans la marmite d’eau bouillante:
plongez une grenouille dans l’eau froide, chauffez progressivement. Elle ne
remarquera rien et finira par cuire”, illustre Ben Lamb. “La grenouille, ce sont
les démocrates. Et ils ont choisi de sauter.”

Les démocrates ont choisi la santé comme tremplin, un sujet populaire qui leur
permet de justifier le shutdown, un levier face à un Donald Trump qui accentue
son virage autoritaire. “Ce shutdown est le seul outil dont ils disposent”,
affirme le professeur. “S’ils se contentaient de dire que le pays est en crise
en renonçant à utiliser cet outil, ils auraient un problème politique avec leur
base et, plus largement, avec les Américains”.

>> REVOIR L’ANALYSE DU POLITOLOGUE DANIEL WARNER DANS FORUM :

Comment expliquer la paralysie budgétaire des États-Unis? Interview de Daniel
Warner
Comment expliquer la paralysie budgétaire des États-Unis? Interview de Daniel
Warner / Forum / 6 min. / mercredi à 18:00

RESPONSABILITÉ REJETÉE

Aujourd’hui, démocrates et républicains se rejettent la responsabilité du
shutdown, inédit depuis six ans. Mercredi matin, les républicains ont rapidement
inondé les médias en évoquant le “Schumer shutdown”, accusant les démocrates de
la crise. Les démocrates, de leur côté, insistent sur le bien-être de millions
d’Américains, mis à mal par des républicains soumis au président.

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Aucun compromis n’est pour l’instant en vue et il est difficile de deviner qui
pliera en premier, mais, pour Ben Lamb, “les démocrates sont en meilleure
posture”. “Le soutien public au président est faible en ce moment. Il apparaît
comme chaotique”, estime-t-il, citant un discours “pour le moins étrange” du
président face aux généraux mardi.

Alors que le shutdown était débattu au Sénat, Donald Trump a livré un discours
musclé, improvisé, souvent confus. Il a appelé à se concentrer sur les ennemis
intérieurs, à utiliser les villes comme terrains d’exercice, tout en exhortant
les troupes à se montrer intraitables face aux manifestants.

>> Lire aussi : Dans un discours virulent, Donald Trump appelle les généraux à
se battre contre “l’ennemi de l’intérieur”

“Ils voient un président qui dirige dans le chaos, semble improviser lors de
rendez-vous importants et se comporte de manière puérile dans le débat
politique”, déclare Ben Lamb. “Ce genre de bizarrerie ne conforte pas la
confiance du public dans sa capacité à gérer le gouvernement fédéral.” Ce
shutdown fait donc office de test grandeur nature pour les démocrates, pour
Donald Trump, mais aussi pour les Américains, confrontés à un président prêt,
selon ses dires, à contrer l’opposition par la force.

Sujet radio: Michael Peuker

Adaptation web: Emilie Délétroz avec afp