Taxe Zucman «light», heures supplémentaires défiscalisées et justice fiscale : décryptage des débats budgétaires à l’Assemblée
Contexte budgétaire et premiers échanges à l’Assemblée
Le budget 2026 est au cœur des échanges à l’Assemblée nationale, marqué par une offensive des Républicains pour réduire les impôts et par des appels des socialistes en faveur d’une justice fiscale accrue. En séance matinale, Laurent Wauquiez, chef du groupe Les Républicains, a vu son amendement adopté, visant la défiscalisation totale des heures supplémentaires. Selon Amélie de Montchalin, ministre déléguée aux Comptes publics, cette mesure pèserait environ un milliard d’euros.
Par ailleurs, les députés ont créé un crédit d’impôt destiné à alléger les frais de séjour des résidents en Ehpad et ceux de leurs familles. Cette mesure, proposée par La France insoumise (LFI), est estimée à 600 millions d’euros.
La taxe Zucman et les contours d’un débat sensible
Le sujet de la « taxe Zucman » — présentée comme un impôt minimum pour les ultra-riches — demeure au cœur de discussions, mais son examen pourrait être repoussé au début de la semaine prochaine en raison du rythme lent des débats. Dans sa version dite « light », le dispositif prévoit un impôt minimum de 3% sur le patrimoine qui dépasse 10 millions d’euros et exclut les entreprises innovantes ainsi que les entreprises familiales. À l’origine, la version initiale plaçait ce seuil à 2% pour les patrimoines d’au moins 100 millions d’euros.
Réactions et positions des formations politiques
La question fiscale et ses modalités suscitent des positionnements multiples. Une large coalition composée de la droite, de l’extrême droite, d’une partie des macronistes et des Insoumis a soutenu l’amendement de Wauquiez, allant à l’encontre de l’avis de la ministre des Comptes publics. Par ailleurs, le Premier ministre et le gouvernement se montrent fermes sur la nécessité de préserver l’équilibre budgétaire, tout en restant ouverts à des ajustements.
Élargissement du cadre budgétaire et enjeux institutionnels
Sur le plan institutionnel, le Sénat — contrôlé par la droite et les centrists — rappelle qu’il rétablira la réforme des retraites dans le cadre de l’examen du budget 2026 de la Sécurité sociale si l’Assemblée vote sa suspension. Le président du Sénat, Gérard Larcher, a insisté sur le risque d’un déficit important en cas d’abandon de la réforme, qualifiant le déficit potentiel de 30 milliards d’euros en 2035.
Du côté des partis de gauche, le PS a obtenu du Premier ministre une suspension éventuelle de la réforme des retraites dans le cadre du PLFSS, conditionnée par une non-censure du gouvernement. Les débats ont également tourné autour du gel du barème de l’impôt sur le revenu: son maintien a été privilégié face à des pertes de recettes estimées à environ 2 milliards d’euros et à la fragilisation du budget 2026.
Réactions économiques et avertissements des marchés
Sur le plan macroéconomique, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a évoqué le risque d’un « étouffement progressif » des finances publiques, tout en rappelant que la France n’est pas menacée de faillite. Il a mis en garde contre les effets de contagion susceptibles d’accroître les coûts d’emprunt pour les ménages et les entreprises et a appelé à un compromis politique pour retrouver la stabilité budgétaire.
Lors d’un entretien avec La Croix, il a déclaré que les mesures fiscales qui impliquent les plus grandes fortunes doivent être justifiées et équilibrées par rapport aux engagements budgétaires. En parallèle, les positions des différents partis sur la taxe Zucman se mêlent à des appels à des compromis afin de sortir d’une impasse politique.
Développements parlementaires et calendrier
Les motions de censure déposées contre le gouvernement ont été au cœur des échanges en séance. La première motion, déposée par La France insoumise, a été rejetée avec 271 voix, loin des 289 nécessaires pour renverser le gouvernement. La présence de la gauche sur ce vote était variable et des partis majeurs ont pris des positions divergentes, notamment le PS qui a choisi de ne pas soutenir la censure dans ce contexte précis.
Une seconde motion déposée par le Rassemblement national a été évoquée ensuite, sans espoir d’adoption. Le président du RN a dénoncé ce qu’il a qualifié de marchandage politique et a appelé les élus qui ont refusé la censure à assumer les conséquences futures pour le pays.
Perspectives et engagements du gouvernement
Dans le cadre de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a annoncé une suspension de la réforme des retraites jusqu’à l’élection présidentielle de 2027, avec une révision des modalités et un maintien éventuel de certains paramètres jusqu’à ce que de nouveaux arbitrages soient rendus. Il a également évoqué un nouvel acte de décentralisation, afin de renforcer les responsabilités locales assorties de moyens budgétaires et fiscaux.
Sur le plan budgétaire, le déficit prévu pour 2026 est estimé à 4,7% du PIB dans le cadre du projet du gouvernement, avec l’objectif de rester sous 5% lors des discussions parlementaires. Le chef du gouvernement a réaffirmé son intention de ne pas laisser déraper les comptes publics et de respecter les engagements européens en matière de réduction du déficit.
Enfin, le Premier ministre a reconnu d’éventuelles « anomalies » dans la fiscalité des très grandes fortunes et a évoqué la possibilité de créer une contribution exceptionnelle destinée à financer des investissements d’avenir, en lien avec la souveraineté et les enjeux d’infrastructures, de transition écologique et de défense, dans le cadre du prochain budget.